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Le créateur de la plateforme Nomad List estime qu’un milliard de nomades digitaux pourrait parcourir le monde d’ici à 2035. « The Ultimate List Of Remote Work Statistics for 2023 » nous apprend par ailleurs que 62% des employés âgés de 22 à 65 ans travaillent déjà à distance au moins occasionnellement et que, d’ici à fin 2024, plus de 80 % des travailleurs auront instauré un mode de travail hybride, mixant journées de télétravail chez eux, depuis un coworking ou un café et journées sur site.
Vous voulez faire comme eux ? L’Espagne, sa qualité de vie incomparable, ses plages, sa 5G et ses connexions Internet très efficaces vous tendent les bras, mais prenez garde, la loi est stricte. Décryptage.
Contextualisation
Nous assistons, depuis la pandémie de Covid-19, à un changement de paradigme profond dans nos pratiques professionnelles. La nécessité du travail à distance pendant cette parenthèse, la libre circulation dans l’espace Schengen, les billets d’avions low cost, la multiplication des outils de communication et de gestion de projets à distance, etc. Tout cela contribue à une évolution des usages et des comportements des travailleurs. Le bien-être a aussi été remis au centre de nos sociétés modernes. La tendance est au travailler mieux. Cette lame de fond ne peut pas s’articuler sans s’adosser à des lois.
Nombreux sont les Français qui ont toujours rêvé de s’installer sous le soleil d’Espagne. Nombreux aussi sont ceux qui ne se sont pas lancés par peur de ne pas trouver d’emploi de l’autre côté des Pyrénées. Le télétravail en Espagne est venu combler un vide, un désir.
Comprendre la loi pour télétravailler l’esprit léger
Dans ce panorama, l’Espagne a dû légiférer et c’est le Real Decreto-ley 28/2020 qui encadre désormais le teletrabajo, en plein boom. Le décret est entré en vigueur en juillet 2021 et il établit un cadre légal et clair pour les employeurs et les employés qui ne sont plus obligés de naviguer à vue.
Avant d’aller plus loin, distinguons deux situations très différentes : le télétravail ponctuel en Espagne qui n’excède pas six mois et le télétravail permanent. Ce dernier cas de figure aura plus de conséquences administratives, juridiques et fiscales. Logique.
Télétravail temporaire : le détachement en Europe
C’est la clé pour un séjour de courte durée. Vous pouvez vivre une aventure de quelques mois sous le soleil espagnol, tout en continuant de travailler pour votre employeur français et d’être pris en charge par la Sécurité sociale française. Rien de plus simple pour lancer ce projet :
- Se mettre d’accord avec son employeur en France.
- Lui demander de remplir ce qu’on appelle une “attestation de déplacement”. Le certificat (A1) doit être envoyé à la Sécurité sociale en France.
- L’employé doit prévenir la Sécurité sociale des deux pays pour éviter les confusions. La France lui demandera de remplir le formulaire S1.
Soyez tranquille, votre poste est protégé en France. L’employeur n’a pas le droit de vous remplacer.
Que se passe-t-il d’un point de vue fiscal ? Si le détachement est inférieur à 6 mois, l’employeur devra retenir 19 % du salaire de son employé et le verser à l’administration fiscale espagnole au titre de l’IRNR (l’Impôt sur le Revenu des Non-Résidents).
Pour la prise en charge de vos soins :
Nous vous conseillons de faire une demande de CEAM, Carte Européenne d’Assurance Maladie avant votre départ. Cela se fait très simplement sur le site Ameli.fr.
Information pratique : c’est l’URSSAF qui gère les travailleurs détachés. Vous pouvez les contacter via ce mail : mobilite-internationale@urssaf.fr en cas de question.
Télétravailler de manière permanente en Espagne : le mode d’emploi
Vous comptez profiter de la douceur espagnole plus de 6 mois ? Voici le mode d’emploi.
- Dans le cas du télétravail en Esagne permanent, c’est la loi espagnole qui se substituera à la loi française.
- Le télétravail en Espagne est basé sur les principes de volontariat et de réversibilité et il doit passer par un accord écrit de télétravail entre employeur et employé. Cet accord sera annexé à votre contrat de travail, si vous comptez télétravailler plus de 30 % du temps. Il devra détailler le lieu, le temps de travail, les outils nécessaires et les compensations pour les frais engendrés.
- Cet avenant devra être envoyé au Service Public d’Emploi de l’État (SEPE), c’est l’équivalent espagnol de Pôle emploi. Cela se fait très facilement depuis ce lien. Pas d’excuse donc.
- Votre employeur a des démarches à effectuer, il doit d’abord obtenir un NIF (l’ancien CIF), c’est le Numéro d’identification fiscale des personnes physiques et morales en Espagne. Ensuite, il demandera un CCC (Código Cuenta de Cotización) pour payer les charges. Pour plus d’informations sur l’obtention du NIF, cliquez sur ce lien et pour le CCC, rendez-vous sur cette page de la Sécurité sociale.
- Notez, c’est intéressant, que dans le cas du télétravail permanent, votre entreprise doit prendre en charge les coûts associés au télétravail en Espagne (matériel informatique, frais de connexion Internet par exemple).
- Vos conditions de travail devront être en accord avec la loi espagnole : pas plus de 10 heures de travail par jour et de 40 heures par semaine.
Que faire d’un point de vue administratif ?
Si vous optez pour le télétravail en Espagne permanent, vous devez mener de front deux procédures : celles de l’expatriation et celle qui concerne le télétravail. Armez-vous de courage et de patience, car la récompense est au bout du chemin. Surtout, faites-vous aider. Nous sommes là pour cela alors, contactez-nous.
- Faites une demande de NIE, le Numéro d’identification des étrangers. C’est LE sésame sans lequel vous ne pourrez rien faire en Espagne, pas même recevoir un colis Amazon. La procédure est rallongée depuis le COVID.
- Inscrivez-vous à la Seguridad social en Espagne. C’est elle qui prendra en charge vos soins. Rien de compliqué sur ce point, il vous suffit de vous connecter sur cette page dédiée.
Mais, alors, dans quel pays dois-je payer des impôts ?
Fiscalement, puisque vous résiderez de manière permanente sur les terres de Picasso (officiellement, on parle de 183 jours cumulés et non consécutifs), vous devrez vous acquitter de l’IRPF, l’Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques, c’est l’équivalent espagnol de votre impôt sur le revenu en France. Son barème s’échelonne de 19 à 47 %.
Pour en savoir plus sur ce l’IRPF, découvrez notre article : delaguialuzon.com/fr/blog/limposition-des-revenus-des-particuliers-en-espagne
Attention :
- Ne jouez pas avec la loi, cet accord doit être formalisé avant de commencer à télétravailler.
- Soyez vigilant sur vos conditions de travail : vous devrez bénéficier des mêmes droits que si vous étiez en présentiel (rémunération et temps de travail équivalents).
Nouvelle loi sur les nomades digitaux : des visas attractifs pour les télétravailleurs extras communautaires.
Elle était TRÈS attendue. La loi espagnole dite « des Startups » (dont vous pouvez lire le contenu en cliquant sur ce lien) est enfin entrée en vigueur début 2023. Elle a été pensée pour stimuler l’innovation et elle comprend des dispositions spécifiques pour le visa des nomades numériques. Son objectif ? Attirer des talents étrangers (hors UE) en simplifiant les processus d’immigration, les formalités administratives et en proposant des avantages fiscaux.
Quelles sont les conditions à remplir pour en bénéficier et que faut-il savoir sur son obtention ?
- Ne pas être membre de l’UE.
- Pour postuler, il faut prouver une autonomie financière de 200% du salaire minimum espagnol (28 000 €/an).
- Disposer d’une assurance maladie.
- On recommande de postuler depuis l’Espagne pour plus de chances de succès, mais il est possible de le faire depuis son pays d’origine.
- Les consulats ont 10 jours pour émettre le visa et l’administration espagnole dispose de 20 jours ouvrables pour répondre à la demande.
D’un point de vue fiscal :
Les nomades digitaux paient l’Impôt sur le Revenu des Non-Résidents. Comme pour les résidents européens, il est à taux fixe, mais attention, il s’élève à 24 % (19 % pour les européens, nous l’avons dit). Dans ce cas précis, les télétravailleurs ne paient pas d’impôts sur les biens qu’ils possèdent ou les dividendes qu’ils touchent hors d’Espagne.
À retenir : si vous percevez plus de 55 000 €/an, envisagez la loi Beckham (du nom du footballeur David Beckham qui a fait évoluer la législation espagnole en jouant pour le Real Madrid). Nos équipes peuvent vous éclairer sur cette loi. Prenez rendez-vous avec elles.
Interview d’un spécialiste
Voici les quatre questions posées les plus régulièrement à Félix de la Guía Muñoz et à son équipe de spécialistes.
- Ai-je le droit de télétravailler depuis l’Espagne sans prévenir mon employeur en France ? Non, vous devez informer votre employeur, comme vous devez informer la Sécurité sociale, pour les accidents, les responsabilités, etc.
- La loi sanctionne-t-elle réellement les télétravailleurs illégaux ? Comment peut-elle savoir à quoi ressemble leur quotidien ? Du point de vue de la Sécurité sociale, le télétravailleur doit en tout moment informer s’il est au bureau ou en télétravail en Espagne. Actuellement, nous disposons de nombreuses mesures pour savoir où une personne se trouve réellement, principalement par la localisation du téléphone portable, bien que cela ne soit pas encore légal en raison du droit à la vie privée, l’administration peut savoir par l’utilisation de la carte bancaire, par l’utilisation des visites médicales, etc.
- Quel est le risque que je prends si je ne suis pas en adéquation avec la loi ? Ce qui se passe, c’est que si nous sommes officiellement dans un bureau, mais que nous sommes réellement à la maison, il se peut que dans certaines situations (maladies, accidents, droits, horaires, etc.), nous soyons en désaccord avec les problèmes que cette situation peut générer. En plus, l’administration espagnole a déjà officiellement fait savoir qu’il fallait déclarer le lieu où l’on travaillait réellement pour déterminer sa résidence fiscale. Nous prenons donc un risque du point de vue fiscal.
- La loi diffère-t-elle pour les autoentrepreneurs ? Pour eux, cela ne s’appliquerait pas vraiment du point de vue de la Sécurité sociale, puisqu’ils sont en même temps leur employé et leur patron. Toutefois, là encore, il est important de déterminer la résidence fiscale.
Nos conseils
La loi change constamment, notamment sur des sujets si actuels. Il existe, par exemple, un décret spécifique pour assouplir les règles qui encadrent le télétravail dans le cas où vous ayez des enfants de moins de 12 ans et si vous avez des parents dépendants (c’est le très récent Real Decreto-ley 5/2023). Il en va de même pour les télétravailleurs transfrontaliers, un cas particulier. Reportez-vous sur ce point à l’accord européen ratifié à l’été 2023 par la France et l’Espagne.
Pour y voir plus clair et comprendre vos droits, mais aussi vos obligations, nous vous recommandons fortement de consulter un fiscaliste international. C’est notre travail.
Puis-je télétravailler en Espagne pour une entreprise française ?
Oui, vous pouvez télétravailler pour une entreprise française depuis l’Espagne. Vous aurez des démarches à faire pour être en règle. Elles diffèrent selon que vous le ferez de manière temporaire ou permanente.
Dois-je payer des impôts en Espagne si je télétravaille depuis ce pays ?
Si vous résidez en Espagne moins de 183 jours par an, vous n’êtes pas considéré comme résident fiscal espagnol. Au-delà, vous pourriez être assujetti à la fiscalité espagnole.
Qu’est-ce qu’un visa de « nomade numérique » ?
C’est un nouveau type de visa espagnol destiné aux travailleurs qui ne font pas partie de l’UE et qui souhaitent télétravailler depuis l’Espagne. Il offre des avantages fiscaux.
Ai-je besoin de faire modifier mon contrat français pour travailler à distance en Espagne ?
Oui, si le télétravail en Espagne représente plus de 30% de votre temps de travail hebdomadaire, la loi espagnole exige la formalisation d’un accord de télétravail.
Le glossaire du télétravail
- Anexo de teletrabajo : annexe au contrat de travail détaillant les conditions spécifiques du télétravail.
- CCC : le Código Cuenta de Cotización. Il est nécessaire pour que l’employeur puisse payer les charges correspondantes au travail de son employé qui télétravaille depuis l’Espagne.
- Détachement : situation où un salarié travaille dans un État membre de l’UE différent de celui où il est normalement employé, tout en restant affilié à la Sécurité sociale de son pays d’origine. Ce détachement est limité dans le temps.
- Formulaire A1 : document européen qui certifie l’affiliation à la Sécurité sociale d’un pays membre de l’UE lorsqu’on travaille dans un autre pays membre.
- Formulaire S1 : document qui permet aux expatriés de bénéficier de la prise en charge des soins de santé dans le pays de résidence. Pour les télétravailleurs temporaires français en Espagne, il doit être complété et remis à la Sécurité sociale espagnole.
- Impôt sur le Revenu des Non-Résidents (IRNR) : impôt appliqué aux revenus obtenus en Espagne par les non-résidents.
- Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques (IRPF) : impôt sur le revenu des personnes physiques résidentes en Espagne.
- NIE : le numéro d’identification des étrangers. Il est indispensable pour s’installer en Espagne ou y télétravailler sur le long terme.
- NIF : c’est le numéro d’identification fiscale des personnes physiques et morales en Espagne. L’employeur d’un télétravailleur permanent en Espagne doit en faire la demande.
- Nomade numérique : personne travaillant à distance et qui n’est pas nécessairement basée dans un lieu fixe ou dans le pays d’origine de l’entreprise pour laquelle elle travaille.
- Non-résident fiscal : un individu qui vit moins de 183 jours en Espagne et paie des impôts dans son pays d’origine.
- Résident fiscal : une personne qui séjourne en Espagne plus de 183 jours par an et qui est donc imposable en Espagne.
- SEPE (Service Public d’Emploi de l’État) : c’est l’équivalent espagnol de France Travail.