L’article 47 de la Constitution espagnole reconnait le droit à la jouissance d’un logement digne et décent et impose aux pouvoirs publics de mettre en place les conditions nécessaires garantissant l’égalité dans l’exercice de ce droit. Ce droit se trouve complété par d’autres droits de valeur constitutionnelle et fondamentale, en particulier le droit à l’intégrité physique et morale, de l’intimité personnelle et familiale ou bien de la protection de la santé. Le logement est donc un pilier central du bien-être social. Outre cet aspect sociologique, il occupe une place économique centrale, les logements représentant en effet 80% de l’espace bâti.
Ainsi la nouvelle loi pour le droit au logement est entrée en vigueur en Espagne le 26 mai 2023 après sa publication la veille au Journal Officiel de l’État (BOE). Cette loi vise principalement à augmenter le nombre de logements sociaux, à éviter les situations de tension sur le marché du logement et à soutenir certaines communautés dans le cadre de l’accès à un logement, et notamment les jeunes et les populations vulnérables.
Zones de marché résidentiel en difficulté
Cette nouvelle loi créée des zones considérées comme zone de marché résidentiel en difficulté qui correspondent à des zones dans lesquelles il existe un risque particulier d’une offre insuffisante de logement pour la population. Cette classification a pour but d’orienter les politiques publiques vers ces zones et notamment en régulant le prix des loyers et en permettant aux propriétaires d’obtenir des avantages fiscaux.
Afin qu’une zone rentre dans cette catégorie, il y a deux possibilités :
- le coût moyen de l’hypothèque ou du loyer mensuel dépasse de 30% le revenu moyen
- le prix d’achat ou de location a, au cours des cinq dernières années précédant la déclaration de zone de tension, augmenté de 3 points au-dessus du pourcentage de croissance cumulée de l’indice des prix à la consommation (Indice de precio de consumo – IPC).
Une fois ces critères remplis, il appartient aux communautés autonomes (CC. AA.) de réaliser la déclaration. Cependant, une fois que la zone est considérée comme étant sous tension, elle le sera pour trois ans renouvelables.
Augmentation des logements publics
Toujours dans cette idée de permettre un accès au plus grand nombre, cette loi vise à améliorer et surtout à augmenter les logements sociaux avec un objectif : garantir l’accès aux parcs de logement. Sur ce point-là, va être mis en place un inventaire afin de s’assurer de son bon développement. Ces logements seront protégés et leurs revenus destinés exclusivement à leur création, extension ou réhabilitation.
Une catégorie de logement subventionné va être mise en place, ces logements correspondent à des logements soumis à un régime particulier afin de les destiner à la résidence habituelle de personne en difficulté. Les critères d’accès seront renforcés ainsi que leur nombre augmenté. Les logements rentrant dans cette catégorie le seront pour au moins 30 ans.
A cela s’ajoute le concept de logement abordable incitatif afin d’augmenter l’offre sur le court terme, et correspondant à des logements privés qui sera loué à un prix réduit en échange d’avantages fiscaux.
Changements dans les relations propriétaire-locataire
La loi offrira une meilleure protection en cas d’expulsions, surtout lorsqu’il s’agit d’une communauté vulnérable en permettant notamment un accès aux procédures extrajudiciaires. Ensuite contrairement à ce qui se passait jusqu’à maintenant, l’expulsion ne pourra qu’avoir lieu à une date et heure déterminée. Enfin, il sera aussi possible d’utiliser les fonds publics afin d’offrir une solution de logement aux personnes menacée d’expulsion.
En ce qui concerne les propriétaires, différents changements seront appliqués. Ils seront tenus de payer les frais de gestion immobilière et de formalisation du contrat.
Concernant les « grands détenteurs », la définition change, sera maintenant considéré comme grand propriétaire toute personne physique ou morale possédant plus de 10 immeubles résidentiels dans une zone classique ou plus de 5 immeubles dans une zone déclarée en tension. Cette qualification aura un impact notamment dans les zones sous tension puisqu’elle permettra de déterminer le prix de loyer avec un indice de limitation des prix.
Pour ce qui est des propriétaires de logements vides, à partir de maintenant et afin d’inciter leur location, il sera possible pour les mairies d’augmenter le taux de l’impôt sur les biens meubles (Impuesto sobre Bienes Muebles) jusqu’à 150% dès lors que le logement est vide depuis plus de 2 ans et que le propriétaire a plus de 4 logement dans la même commune.Enfin, afin d’inciter les propriétaires à louer à des prix plus attractifs, l’Etat va mettre en place une série d’incitations fiscales et notamment concernant l’Impôt sur le revenu des personnes physiques (Impuesto sobre la Renta de las Personas Físicas), selon la situation, comme par exemple une zone sous tension, la location à des jeunes ou des travaux réalisés dans les deux années précédentes, la réduction sera plus ou moins importante.